Agences de notation : comment en est-on arrivé là ?

Agences de notation : comment en est-on arrivé là ?

août 7, 2011 0 Par Michel Santi

Comment se fait-il que certains initiés aient été avertis dès vendredi en début d’après-midi et à travers Twitter que l’agence Standard & Poor’s abaisserait la notation des Etats-Unis ? Et comment interpréter la chute violente des bourses tout au long de la semaine dernière autrement que par le biais de messages électroniques reçus en début de semaine par certains grands fonds spéculatifs ayant bien profité de cette opportunité de vendre agressivement à découvert parce que avertis à l’avance de cette décision? De fait, les rumeurs vont bon train sur internet quant à la décision de S&P de dépouiller les Etats-Unis de leur AAA. Tout comme la dérision et l’ironie vis-à-vis d’un institut qui avait complètement loupé la bulle immobilière en 2007…

Quelle différence pourtant avec ces mêmes maisons tout à la fois compétentes et circonspectes du début des années 1990, précisément parce qu’elles se cantonnaient au business très spécifique de la notation des obligations émises par les entreprises. Cet univers feutré des agences de notation – qui, à l’époque, analysaient et pesaient scrupuleusement toutes les données avant de dégrader – ne tranche-t-il pas avec leur activisme insupportable d’aujourd’hui et ce alors même (et d’autant plus) que leurs critères pour juger de la notation des dettes souveraines sont pour le moins vagues et sans substance ? Comment s’en étonner du reste puisque leur mission originelle ne fut pas de noter la solvabilité des nations et comment diantre le pourraient-elles avec seulement 100 analystes (chez S&P par exemple) responsables d’étudier et de décortiquer les comptes de 136 pays… ?

Belle réussite à la vérité pour des agences passées complètement à côté du montage abracadabrantesque des subprimes qui ne se privent pas aujourd’hui de faire étalage de leur pouvoir en décernant mauvais points et doctes avertissements non seulement à de pauvres petites nations comme la Grèce mais à des géants comme les Etats-Unis d’Amérique. Pourtant, il semblerait bien qu’elles cherchent aujourd’hui à masquer leur incompétence et leur inexpérience à noter les dettes souveraines derrière des jugements politiques ne faisant vraiment pas partie de leurs mandat ou attributions. Relisons à cet effet le communiqué de presse de S&P rendu public Samedi dernier et imputant cette perte du AAA à des « institutions politiques » américaines ayant « faibli» dans leur détermination à lutter contre les problèmes budgétaires. Autrement, le vénérable institut S&P ne craindrait pas tant la capacité du pays à rembourser ses dettes, il ne mettrait pas tant en cause la solvabilité des Etats-Unis que leur « volonté » de s’atteler à remédier aux déficits… !

Ce faisant, S&P couvre ses arrières car sa crédibilité serait totalement perdue si, ayant maintenu intacte la notation AAA, les ennuis américains devaient s’accentuer tandis que cette dégradation aurait fait l’effet d’un « choc salutaire » si les finances du pays venaient à se redresser… Ainsi, les agences de notation jouent-elles comme «sur du velours » – gagnantes à tous les coups- et sans devoir endosser une quelconque responsabilité par rapport au couperet de la baisse de notation d’une dette souveraine. Sans négliger bien-sûr leurs diagnostics à forte coloration politique dont s’emparent les adversaires de l’administration Démocrate en place puisque le probable candidat à l’investiture Républicaine Mitt Romney saisit la balle au bond et assimile la perte du AAA de son pays à la « dégradation de la Présidence Obama »…

Comment en est-on arrivé là ? Ces tous puissants instituts qui s’invitent – voire qui infléchissent – les débats politiques, ces agences dont les avis font autorité auprès des Etats et des gouvernements et non les moindres, ne sont en réalité que le symptôme d’un mal bien plus profond : le remplacement de l’état-nation par l’hégémonie du marché ! Partant en effet du principe que seuls la création de richesses et les profits sont dignes d’intérêt, la philosophie de l’homme prévalant en ce début de XXI ème siècle sacralise tout ce qui est susceptible – comme les agences de notation- d’appréhender les marchés tout en bridant le pouvoir étatique. Les gouvernements se doivent donc d’être réduits à leur portion congrue, sauf bien-sûr lorsqu’ils sont appelés à la rescousse pour sauver les établissements financiers…

Pourtant, après quatre ans de crise financière et de marasme économique intenses, il devient vital de changer de paradigme. Le retour à la référence « Etat » redevient de salut public.

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