
Au delà de l’Allemagne
Les excédents allemands sont le symptôme d’un mal profond! Il est donc vital d’identifier et de conscientiser cette maladie qui ronge l’ensemble de l’organisme européen. Résultante mathématique élémentaire d’une épargne qui surpasse très largement les investissements, ces excédents allemands suffisent à poser un diagnostic clair et sans appel sur l’état de santé d’un pays qui subit d’autant plus la stagnation séculaire que sa démographie est en pleine régression. En d’autres termes, l’Allemagne se meurt.
Une analyse basique de l’électro cardiogramme de son activité économique dévoile en effet des arrêts cardiaques de récession réguliers et, ce, depuis 2002 avec une croissance moyenne d’environ 0.6% ces treize dernières années. En état de mort cérébrale, ce grand corps à la renverse ne semble en bonne santé qu’en comparaison (apparente) avec ses voisins… Cette japanisation de l’Europe – maintes fois évoquée depuis quelques années -, tout comme cette déflation qui s’installe insidieusement au sein de l’économie de l’Union reflétée par les taux et par les rendements négatifs, nous proviennent en droite ligne de ce mal allemand qui infecte de proche en proche l’ensemble des économies européennes. C’est donc du cœur de l’Europe que nous vient cette déflation, et non de sa périphérie!
A cet égard, ne vous y trompez pas et soyez sans illusion – et sans espoir: la stagnation allemande n’est pas provisoire. Ce pays sombre effectivement depuis une petite quinzaine d’années et ne réagira hélas pas aux stimuli fraîchement prescrits par la Banque Centrale Européenne. Il ne répondra pas plus – et ne reprendra pas non plus des couleurs – suite à des réformes structurelles… pour la simple et unique raison que l’Allemagne les a déjà mises en place il y a plus de dix ans! Ce qui ne l’empêche pas aujourd’hui d’agoniser, non sans que son râle ne fasse encore illusion et passe – aux yeux de l’observateur non averti ou partial- pour le vrombissement d’un moteur en marche…
Voilà pourquoi il convient aujourd’hui de regarder au-delà du moribond allemand, comme il est impératif de dépasser cette querelle entre partisans d’une austérité et d’une rigueur budgétaires d’une part dont on voit qu’elle tue l’Allemagne à petit feu et d’autre part défenseurs de stimuli keynésiens. En effet, pendant que le petit monde académique se déchire, et tandis que l’Allemagne parvient encore à imposer ses règles à la Grèce, à la France, à l’Italie et à bien d’autres nations européennes toujours sous l’impression fallacieuse que ses excédents sont le reflet d’une bonne santé économique… Les enjeux véritables sont ailleurs, car le conflit n’est pas entre allemands et espagnols, ni même entre allemands et grecs.
Il est entre le groupe ayant le plus bénéficié de la crise et celui qui doit aujourd’hui assumer à lui seul les coûts et le fardeau des indispensables réajustements et ré équilibrages. La vraie ligne de fracture – la seule qui compte et qui doit être clairement identifiée afin d’être mieux combattue -est celle qui sépare et qui oppose le monde des affaires et l’élite de la finance ayant largement profité avant, pendant et après la crise à la masse des salariés et des travailleurs de la classe moyenne allemande, française, grecque et autres. C’est, en d’autres termes, une guerre sans merci qui fait rage aujourd’hui au sein même de l’Europe entre groupes et castes économiques, et non entre nationalités européennes. En prendre conscience, c’est déjà entrevoir des solutions et c’est barrer la route à l’extrême droite.